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L'échec du rôle de l'État
L'échec du rôle de l'État

La Presse

time16-07-2025

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L'échec du rôle de l'État

Je pourrais vous parler de l'inflation aujourd'hui. Du taux qui remonte aux États-Unis, à 2,7 %, comme le prévoyaient les économistes vu les droits de douane, bien au-delà de la cible de 2 %. Je pourrais vous parler, dans ce contexte, de la stupidité de Donald Trump de vouloir forcer le président de la Fed, Jerome Powell, à baisser les taux d'intérêt américains pour aider les consommateurs, sinon de le limoger pour arriver à ses fins. Limiter l'indépendance de la banque centrale américaine ébranlerait les marchés financiers, comme le redoutent ses acteurs, qui savent bien que baisser les taux d'intérêt actuellement nourrirait l'inflation et nuirait à l'économie. Je pourrais vous donner l'exemple de la Turquie, où l'inflation a grimpé jusqu'à 85 % en 2022 après que le président Recep Tayyip Erdoğan a pris le contrôle de la banque centrale turque, en 2018, décision qui s'est finalement retournée contre le pays, puisque les taux d'intérêt ont augmenté jusqu'à 30 % récemment1. Je pourrais vous parler de l'inflation au Canada, qui se maintient sous les 2 %, heureusement, car le Canada n'a pas les moyens d'une hausse de taux d'intérêt pour freiner l'inflation dans le contexte des décisions erratiques de Trump. Je pourrais vous parler de ces vacances qui débutent dans quelques heures pour moi et de leurs bienfaits sur le moral. Quelle importance de décrocher, n'est-ce pas ? Je pourrais vous parler de tous ces sujets, mais il y a ce fond de l'air, ces derniers jours, qui m'incite à vous entretenir sur autre chose, cette odeur de fumée de l'Ouest, mêlée au désarroi des victimes d'inondations, qui m'oblige à y consacrer cette chronique. Lundi, des citoyens de Montréal ramassaient les dégâts d'une nouvelle inondation, la deuxième en deux étés, pendant que d'autres évitaient de faire des activités extérieures pour ne pas respirer l'air vicié des incendies de forêt historiques au Manitoba. Aux États-Unis, les Texans cherchaient toujours les morts de la crue soudaine du fleuve Guadalupe et à l'autre bout de la planète, l'Acropole fermait ses portes aux touristes, en Grèce, en raison de la chaleur trop intense. À voir leur plus grande fréquence, ces évènements extrêmes sont visiblement liés au dérèglement climatique. Ils nous obligent à faire un constat lucide : l'État a échoué dans son rôle de prévention. Il y a 30 ans – 30 ans ! –, un premier rapport du GIEC suspectait que l'activité humaine avait des effets sur le réchauffement climatique, rapport qui a mené au protocole de Kyoto, en 19972. Depuis, les rapports se succèdent pour préciser à quel point les humains sont les principaux responsables de l'accroissement des GES et du réchauffement climatique, qui fera se multiplier les évènements extrêmes, avec leurs effets dramatiques sur les humains. Or, ni les citoyens ni les entreprises ne se sont imposés par eux-mêmes ni ne s'imposeront, globalement, de modifier suffisamment leurs comportements pour éviter que ne se produisent de telles inondations, de tels incendies de forêt, de telles chaleurs insupportables. Chaque individu profite de la situation du moment sans être toujours conscient de ses impacts sur l'environnement et la collectivité. Le consommateur préfère miser sur des produits moins chers même s'ils sont plus polluants, le voyageur aérien ne peut s'empêcher de vivre le bien-être de ses escapades fréquentes à l'étranger pourtant très gourmandes en GES, l'entreprise continuera d'utiliser une technologie plus nocive si elle donne des avantages concurrentiels, etc. Homo economicus… Il y a bien des gestes volontaires de certains, ici et là, parfois marquants, et c'est tant mieux. Il y a aussi des initiatives porteuses, des projets de loi, qui donnent espoir. Mais globalement, le laisser-faire ne limitera pas l'utilisation de l'automobile à essence, l'explosion du transport aérien ou la surconsommation des principaux produits responsables des GES. Ni ne fera soudainement découvrir aux pétrolières la technologie miracle qui absorbera les GES. Un exemple récent ? Des commentateurs bien en vue – et en moyens – ont tenu à rendre public l'abandon de leur voiture électrique parce que ses inconvénients exigeaient trop d'efforts de leur part, impliquaient trop de coûts. Mon confort et mon argent valent plus que ta planète. L'intervention de l'État en environnement est donc pleinement justifiée. En général, c'est vrai, l'État doit se garder d'intervenir dans l'économie, ou sinon le faire avec précaution, car sa présence, même louable, entraîne des distorsions, qui peuvent nuire plutôt qu'aider. L'État est quand même intervenu avec succès dans bien des domaines pour protéger le bien-être collectif. Il a imposé des règles pour la sécurité routière, banni des matériaux jugés toxiques, comme l'amiante, et encadré le tabac. Malheureusement, notre modèle démocratique n'a pas permis aux gouvernements d'y parvenir avec l'environnement, du moins pas suffisamment dans les délais que nous impose la science. Les mesures font nécessairement des mécontents, qui perdent des avantages, des revenus, des emplois. Des politiciens fédèrent ces mécontents, parfois en niant la science, forçant les décideurs à abandonner les mesures porteuses, comme certaines portions de la tarification du carbone, même si la société y perd dans son ensemble. L'environnement n'a pas le droit de vote. Les gouvernements de la planète ont donc échoué dans leur mission de prévention des catastrophes et voilà où nous en sommes. Maintenant que nous avons les pieds dans l'eau et le nez dans l'air vicié, pouvons-nous, malgré les désagréments individuels, nous serrer les coudes pour faire échec aux initiatives polluantes ? Sommes-nous disposés à faire les sacrifices nous permettant d'éviter l'accroissement des catastrophes futures ? 1. Lisez un article du New York Times (en anglais) 2. GIEC est l'acronyme du nom Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

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